Pour assurer nos retraites, soyons réalistes assurons l’existence !

 

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Entrer unManifestation unitaire interprofessionnelle contre la réforme des retraites en mars 2019.© Vincent Isore / MAXPPP / IP3 PRESS/MAXPPPe légende

 

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Ce 5 décembre 2019 marque le début d’un mouvement de colère contre la réforme du gouvernement pilotée par Jean Paul Delevoye qui, sous couvert de simplification et d’une meilleure lisibilité du système, vise à rogner encore un peu plus les droits acquis au fil des luttes du mouvement ouvrier. L’objectif principal de cette réforme est  de tendre vers un régime universel de retraite dont la pension sera calculée sur la base de l’accumulation de points tout au long de la carrière professionnelle ( 10 euros cotisés donnant 1 point ). La valeur de ce point à la date courante de la liquidation de la retraite ( fixé à 0,55 € /an en 2025 ) sera ajustée ensuite par le gouvernement en fonction de la situation économique du pays et du bilan du régime de retraite. Le taux de cotisation pour les salariés serait de 28,12 % du salaire brut (16,87 % employeurs -11,25 % employés).  Cette réforme  vise d’une part à permettre à l’État de mettre la main sur de l’argent qui n’est pas le sien  et d’autre part, avec le pilotage par la valeur du point , au fil des ans et suivant la conjoncture économique, à faire  des économies sur le dos des salariés. Comme pour la réforme de l’assurance chômage, ce sont les travailleurs précaires qui en paieront un lourd tribu.

L’objectif est aussi de gommer la notion d’appartenance à une branche professionnelle pour aller vers une plus grande individualisation du système. Chacun par son parcours professionnel serait ainsi seul responsable du montant de sa retraite. Si celui-ci est faible il ne faudra s’en prendre qu’à soi-même et non pas au système.

A ce jour on ne connait pas avec précision les contours de la réforme mais on sait combien elle peut être néfaste pour une très grande majorité de salariés. On sait aussi qu’augmenter les salaires et assurer la parité de la fiche paie   entre les hommes et les femmes permettrait d’équilibrer les régimes actuels. Mais pour de plus en plus de salariés , d’auto-entrepreneurs, de paysans, de travailleurs pauvres, à temps partiel contraint, pour beaucoup trop de mères qui ont dû interrompre leur carrière,  cela ne suffira pas  à garantir une retraite décente. Il est temps d’assurer l’existence en toute circonstance, de la naissance à la fin de vie, par un revenu dissocié de l’emploi et financé par la solidarité nationale.

I . LA RETRAITE A POINTS :   INDIVIDUALISATION VERSUS SOLIDARITÉ.

Le gouvernement, pour faire passer sa réforme,  présente les régimes spéciaux de retraite de la SNCF ou de la RATP comme la cause des déficits et jette en pâture à l’opinion publique les cheminots et les traminots comme des privilégiés. Si déficit de ces régimes il y a, il est de la seule responsabilité des gouvernements successifs qui n’ont eu de cesse que de démanteler ces services publics et de diminuer drastiquement le nombre d’actifs et donc de cotisants.

  • Pendant que l’on montre du doigt le cheminot on cache le régime très spécial des cadres dirigeants aux revenus très élevés. Si pour tout à chacun le taux de cotisation sera de 28,12 % , à partir de 10 000 € de revenus le taux passera à 2,8 %. Ainsi avec un revenu de 100 000 € par mois la cotisation globale sera de 5,3 % . L’argument officiel est imparable: le montant de la retraite étant plafonné il n’est pas normal de contribuer davantage au delà d’un certain seuil, le principe de l’individualisation du système prévalant. Avec cette réduction sur les cotisations les plus aisés pourront financer une retraite par capitalisation. Ainsi pendant que les riches feront sécession, les plus démunis devraient être les seuls à supporter le poids de la solidarité.
  • Elle est où  la solidarité quand un cadre supérieur a une espérance de retraite de l’ordre de 15 ans alors que l’ouvrier métallurgiste , travailleur de nuit, ne profitera de retraite que pendant moins de 5 ans ?
  • Elle est où la justice sociale  quand une personne bien née, diplômée d’une grande école , cadre supérieur avec un bon salaire du début de carrière à la fin,  pourra cumulé suffisamment de points pour une bonne retraite, alors que son collège devra se contenter d’une pension bien inférieure, à cause  d’ un début de carrière difficile, car titulaire d’un C.A.P., payé au  SMIC, et qui, par son travail et les compétences acquises au fil du temps, a  réussi à occuper le même type de poste, dix ans avant son départ à la retraite ?
  • Elle est où la parité quand un couple avec 3 enfants bénéficiera  de 15% de majoration de retraite au choix du bénéficiaire au lieu de 10 % à chacun des parents et de 8 trimestres par enfant pour la mère ? Si l’homme gagne 2 fois plus que la femme , pour le budget du ménage, il sera certainement le bénéficiaire  des 15 % de majoration et en cas de divorce il en conservera l’ avantage.

Enfin on nous promet une retraite minimum de 1000 € mais on oublie de dire que ce minimum sera réservée aux carrières complètes ce qui en limite la portée. On oublie de dire aussi que pour les agriculteurs, les principaux bénéficiaires de cette mesure, leur cotisation va augmenter. Pour les mi-temps subis, les ruptures de carrière, il faudra se contenter du  minimum vieillesse (868€) dont le montant dépend des revenus du foyer et qui n’est qu’une avance consentie par la société, avance  prélevée ensuite sur l’héritage à venir. Voilà pourquoi aujourd’hui beaucoup ne demande pas l’ A.S.P.A.  pour ne pas, plus tard, devoir léser leurs enfants.

Avec la retraite à points du gouvernement , point de bonnes retraites !

SOYONS RÉALISTES ASSURONS L’EXISTENCE !

La cause du déficit à venir des divers régimes de retraite est dû fondamentalement à la remise en cause de la centralité du salariat dans la distribution des richesses.

L’économiste américain William Brian Arthur observe que l’économie en est arrivée à un point où la production est largement suffisante pour satisfaire les besoins de tous, mais où les emplois générateurs de revenus suffisants pour accéder à toute cette richesse produite, se font de plus en plus rares. La question centrale n’est donc plus comment produire davantage, mais comment répartir mieux la richesse créée.

Avec la mondialisation et la mise en concurrence des travailleurs du monde entier, au nom de la compétitivité, la pression sur les salaires s’est accentuée. Avec un outil de production de plus en plus sophistiqué qui exige de plus en plus d’investissements financiers, pour attirer les capitaux, les dividendes ont explosé. En 40 ans, 10% de la valeur ajoutée a migré de la rémunération du travail vers celle du capital et la part des dividendes dans la valeur ajoutée a plus que triplé.

Le progrès technique ne s’accompagne plus de progrès sociaux. Au contraire, Bernard Stiegler, philosophe, décrit la disruption comme un phénomène d’accélération de l’innovation qui va plus vite que l’évolution des sociétés et des systèmes sociaux qui les structurent, ce qui a pour conséquence que ceux qui s’approprient cette innovation technologique, les GAFAM, imposent des modèles qui détruisent les structures sociales existantes et rendent les pouvoirs publics impuissants. C’est l’«ubérisation» de l’économie où les employés ne sont ni des autoentrepreneurs qui peuvent fixer librement le prix de leur prestation, ni des salariés qui cotisent pour leur retraites.

Avec la dévalorisation et la déréglementation du travail, les cotisations sociales adossées aux  salaires ne suffisent plus à financer notre système de sécurité sociale et donc nos retraites.

Face à cette crise structurelle qui voit le salariat mis à mal une alternative existe : Allouer de manière universelle et inconditionnelle un revenu d’existence, dissocié de l’emploi, pour assurer en toute circonstance, de la naissance à la mort une vie digne. Allocation financée non seulement par les revenus d’activité mais aussi par  le capital privé (le patrimoine net ) et le capital productif ( les machines, robots, etc..) qui crée de plus en plus de valeur sans contribuer à la solidarité.  Si jusqu’à présent le travail  pouvait permettre  de produire les conditions matérielles d’existence, se nourrir et se loger correctement, et  de se produire, de se réaliser et de s’épanouir  dans un environnement social, aujourd’hui, pour beaucoup, ce n’est plus le cas. L’impérieuse nécessité de gagner sa vie impose d’accepter trop souvent un emploi précaire, pénible, qui ne permet ni de se réaliser professionnellement ni d’assurer son avenir.

Avec les principes de solidarité et d’universalité – Chacun contribue en fonction de ses moyens (en revenus et en patrimoine) à la satisfaction des besoins élémentaires de l’ensemble des membres de la communauté pour se nourrir et  se loger dignement –  il est possible de distribuer un revenu de base  d’un montant suffisant (jamais de revenu individuel par unité de consommation < 1030€) pour éradiquer tout au long de la vie la pauvreté en se substituant à toutes les aides conditionnées financées par le budget de l’État . ( Lire :Et pour vous qu’est-ce que ça changerait un revenu de base? )

Cette allocation universelle d’existence de  l’ordre de 1000 € serait du même ordre que le minimum vieillesse proposé dans la réforme, mais il existe trois différences majeures:

  • elle est cumulable avec d’autres revenus ( pensions , revenus du patrimoine.)
  • elle est individuelle. Ainsi quels que soient les revenus du conjoint éventuel, chacun dans un couple est assuré de percevoir au minimum ce montant.
  • Elle n’aliène pas le patrimoine de l’assuré.

QUEL RÉGIME DE RETRAITE CONSERVER ?

La dissociation entre revenu d’existence et pension de retraite d’activité permet d’unifier le système actuel autour du régime de base de la Sécurité sociale,  financé par la répartition des cotisations des actifs. Si aujourd’hui le système de retraite repose sur deux piliers : le régime général et le régime des retraites complémentaires (ARCCO et AGIRC ) , avec cette allocation d’existence seul  le régime général par répartition des cotisations suffirait à  assurer un complément de  pension, fruit de  son travail.

Ainsi avec par exemple une cotisation de 20 % ( 10 % employeur-10 % salariés ) sur tous les salaires permettrait d’assurer une retraite de 50 % d’un salaire brut de référence. (aujourd’hui les taux sont de 6,9 % pour la part salariale et 8,55 % pour la part patronale jusqu’au plafond de 3377 € )

Le tableau ci-dessous permet une comparaison entre le système actuel et celui avec un revenu de base de 1030€ et une retraite à 50 % des revenus  brut d’activité.

COMPARAISON RETRAITES

Note:

  • la pension moyenne brut en France est environ de 1500 €. ( 1900 € pour les hommes-1100 € pour les femmes ) ( lien)
  • Dans la proposition avec un revenu de base, la CSG et la cotisation mutuelle seraient remplacées par une cotisation à l’assurance maladie de 20 %. Le taux de financement du revenu de base , CRB, serait progressif jusqu’à 30 % à partir d’un montant brut de 2000€.

On constate :

  • Le revenu plancher est égal au revenu de base égal au seuil de pauvreté . Ce revenu individuel sera pour un couple 2 fois plus élevé.
  • Ce sont les travailleurs pauvres ( au SMIC ) qui auraient une retraite la plus revalorisée (73%).
  • Dans un couple avec un seul salaire pendant la vie active, le conjoint « sans profession » serait assuré d’une pension de 1030 € quel que soit le montant de la retraite du second conjoint.
  • Les couples avec des salaires très différents (par exemple 1500 € – 4000 €) auraient de meilleurs revenus.
  • Si les salaires  élevés, qui concernent moins de 10 % de l’ensemble, sont davantage mis à contribution, ce sont aussi les personnes qui ont le plus de chance d’avoir acquis un patrimoine et en particulier un logement pendant leur vie active.

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Il est aujourd’hui réaliste et urgent de renverser la table par une réforme systémique de notre sécurité sociale  car le corps social dans son ensemble est épuisé après des décennies de politiques libérales.  Son intégrité est en danger. La précarité touche de plus en plus de membres: la jeunesse, les chômeurs, ceux qui doivent se contenter des minima sociaux, les travailleurs pauvres, les retraités. Au total ce sont plus de 9,4 millions de personnes (taux de pauvreté :14 %) qui vivent avec moins de 1000 € par mois.  Il est vain de continuer avec des politiques curatives qui se limitent à poser  des sparadraps   sur ces blessures infligées au fil du temps. Le mal est plus profond. Il faut revoir tous les canaux de distribution et redistribution de la richesse pour alimenter tous les membres du corps social. A nous d’imaginer une alternative visant une protection sociale juste et solidaire tout au long de la vie qui garantisse en toute circonstance, de la naissance à la mort, le droit universel à une vie digne.

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3 commentaires pour Pour assurer nos retraites, soyons réalistes assurons l’existence !

  1. Pour moins d’inégalité dans les retraites, il faut moins d’inégalité dans les revenus !
    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/pour-moins-d-inegalite-dans-les-217737

    L’arnaque du taux plein pour toucher une retraite digne !
    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-arnaque-du-taux-plein-pour-202405

    Le Nairu : Pourquoi il y aura toujours un taux de chômage programmé à 7 % minimum !
    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-nairu-pourquoi-il-y-aura-202451

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